Utopie: LoRA au CPF
LoRA (Low-Rank Adaptation) — Technique de fine-tuning léger pour modèles de diffusion. Au lieu de réentraîner tout le modèle, on injecte une petite matrice de poids qui encode un style spécifique. Léger, partageable, combinable.
Dataset — Ensemble de données d'entraînement. Ici : photos du siège du PCF capturées pendant la visite, annotées et curées pour extraire les patterns architecturaux récurrents.
Latent space — Espace mathématique multidimensionnel où existe la représentation compressée d'une image avant qu'elle soit générée. C'est là que "vit" le style du bâtiment une fois encodé.
Fine-tuning — Réentraînement partiel d'un modèle existant sur des données spécifiques pour qu'il apprenne un nouveau style ou concept. Le LoRA est une forme de fine-tuning économe.
Modèle de diffusion — Type d'IA générative (Stable Diffusion, Midjourney...) qui crée des images en partant du bruit et en le "débruitant" progressivement selon ce qu'elle a appris.
Fork — Terme du développement open source. Créer une copie d'un projet pour le modifier indépendamment. Ici utilisé métaphoriquement : forker une architecture = créer des variations.
Open source — Code/modèle dont les sources sont publiques, librement utilisables, modifiables et redistribuables. Philosophie du partage des outils de création.
Abstract — Dans le cadre des Journées du Patrimoine 2025, documentation photographique du siège du PCF (Oscar Niemeyer, 1969-1980), entraînement d'un modèle LoRA custom et release open source. Quand l'architecture utopique devient infrastructure générative, et que le patrimoine entre dans les communs numériques.I. Le geste : de la place Colonel-Fabien au latent space
L'archive comme protocole
Place du Colonel-Fabien. Derrière les courbes sensuelles du bâtiment le plus politique de Paris, une question se pose : comment capturer non pas l'image mais l'essence générative d'une architecture ? Comment transformer un manifeste de béton en poids neuronaux partageables ?
Le protocole est simple mais conceptuellement dense : documenter exhaustivement l'espace pendant les rares heures d'ouverture publique, constituer un dataset cohérent, entraîner un modèle de diffusion via LoRA (Low-Rank Adaptation), puis release en open source.
Non pas pour reproduire — la photogrammétrie fait ça mieux — mais pour extraire et partager le potentiel génératif de cet espace. Faire du siège du PCF non plus un lieu à visiter mais un modèle à forker.
Niemeyer comme dataset
Oscar Niemeyer dessine ce siège en 1965, exilé de la dictature brésilienne, bénévolement pour ses camarades du PCF. Son intention : « Une marque de la société socialiste qui s'impose déjà avec la force d'une nécessité. » Une architecture-manifeste qui exprime « ce monde qui surgit sans préjugé, sans injustice ».
Soixante ans plus tard, cette utopie devient training data. Les courbes organiques qui refusent l'angle droit, la coupole acoustique dont les lamelles ionisées forment un plafond hallucinatoire, le hall semi-enterré de 1000m² pensé comme « foyer de la classe ouvrière » — tout cela se transforme en features extractibles, en patterns apprenables, en style transférable.
Le bâtiment construit entre 1969 et 1980, classé monument historique en 2007, entre maintenant dans sa troisième vie : infrastructure générative.
II. Le modèle : architecture des poids
Pipeline technique
Dataset curation — Photos multiples sous angles variés pendant la visite. Focus sur les invariants architecturaux : textures de béton banché, géométrie cylindrique de la coupole, palette chromatique rouge/vert/béton brut, motifs acoustiques répétitifs du plafond, jeux de lumière sur les surfaces courbes.
LoRA training — Fine-tuning d'un modèle de diffusion existant via Low-Rank Adaptation. Le LoRA apprend à encoder le "style Niemeyer-PCF" dans une matrice de faible rang, permettant une injection minimale mais efficace dans le flux génératif du modèle de base.
Hyperparamètres — Optimisation pour capturer non pas la fidélité photographique mais l'ambiance génératrice : cette tension entre brutalisme et sensualité, entre rigueur géométrique et liberté plastique, entre monumentalité et intimité du détail.
Ce que le modèle apprend
Le LoRA extrait et encode :
Géométrie : courbes, contre-courbes, ondulations, cylindres compositionnels
Texture : grain du béton, striations verticales, réflexions sur verre fumé
Chromatique : saturation spécifique du vert émeraude au sol, rouge des sièges vintage 70s, neutralité du béton
Atmosphère : cette qualité de lumière particulière, diffuse, presque sous-marine dans le hall enterré
Mais surtout — et c'est là que ça devient intéressant conceptuellement — il apprend le principe génératif de Niemeyer : comment créer de l'espace par la courbe, comment faire tenir le monumental sur cinq piliers, comment enfouir pour élever.
III. L'open source comme geste politique
Redistribuer les moyens de production (architecturale)
Release ce LoRA en open source n'est pas neutre. C'est prolonger le geste initial de Niemeyer : offrir bénévolement, partager les outils, démocratiser l'accès à une esthétique.
Si Niemeyer donnait gratuitement ses plans au PCF pour construire une « maison du travailleur », release le modèle permet à quiconque de générer des variations infinies de cette utopie. Le bâtiment devient fork-able, modifiable, recombinable.
L'architecture comme commun numérique — Le patrimoine ne se visite plus seulement, il se clone, se modifie, s'hybride. Chacun peut désormais :
Générer ses propres interprétations de l'espace
Fusionner le style Niemeyer avec d'autres références
Explorer les variations impossibles à construire en dur
Créer des architectures spéculatives dans cet univers formel
Le modèle comme continuation politique
Il y a une cohérence presque trop parfaite : un bâtiment pensé pour le Parti Communiste, offert gratuitement par un architecte militant, devient un outil open source partagé dans les communs numériques. L'utopie du béton devient utopie du code.
La propriété intellectuelle s'efface. Le modèle appartient à tous, comme devait appartenir à tous le « foyer de la classe ouvrière » imaginé par Niemeyer. C'est de l'architectual communism computationnel.
IV. Générations : halluciner l'utopie
Entre fidélité et dérive
Le LoRA ne copie pas, il interprète. Il a capturé une essence de l’ordre du formel, et peut désormais le faire muter. C'est là sa puissance : générer non pas des copies mais des possibles.
Architecture spéculative
Avec ce modèle on peut explorer :
Des variantes chromatiques : et si les couleurs étaient inversées ?
Des hybridations stylistiques : Niemeyer × brutalisme soviétique × métabolisme japonais
Des extrapolations formelles : creative mode
Des recontextualisations : et si ce bâtiment était construit ailleurs, autrement ?
Chaque génération est une architecture spéculative, un bâtiment qui aurait pu exister dans un univers parallèle où Niemeyer aurait eu d'autres contraintes, d'autres budgets, d'autres rêves.
V. Patrimoine computationnel
De la pierre au poids neuronal
Le siège du PCF existe maintenant sous trois formes :
Physique : béton, verre, acier, place Colonel-Fabien
Mémorielle : classé monument historique, protégé, visitable
Générative : encodé dans un LoRA infiniment reproductible, modifiable et partageable
Cette troisième existence est peut-être la plus radicale. Le patrimoine ne se fige plus dans la conservation mais se démultiplie dans la variation. L'architecture devient vivante non par l'usage mais par la mutation continue.
Le futur de l'archive
On s'approche d'un nouveau paradigme de la préservation architecturale. Au-delà de la documentation photographique ou du scan 3D, le modèle génératif capture quelque chose d'autre : le potentiel de l'espace, sa capacité à se décliner, à inspirer, à muter.
C'est une forme d'archive active. Le bâtiment continue à "vivre" non dans sa forme originelle mais dans toutes ses variations possibles. Niemeyer voulait une « architecture plus libre » — elle le devient littéralement dans le latent space.
Conclusion : vers une architecture post-scarcity
Partager ce LoRA c'est participer à l'émergence d'une nouvelle économie de l'architecture. Une économie où les styles ne sont plus propriétaires mais partagés.
Le rêve de Niemeyer — un monde « sans préjugé, sans injustice » — trouve une traduction inattendue : un monde où l'esthétique architecturale appartient aux communs, où chacun peut réinventer l'utopie.
Le brutalisme entre dans sa phase post-scarcity.
Modèle LoRA : [À venir - release sur HuggingFace/CivitAI]
Dataset : Photos Journées du Patrimoine 2025
Architecture originale : Oscar Niemeyer, 1965-1980
Licence : Open Source (CC BY-SA 4.0)
Visite physique : espace-niemeyer.fr
Le patrimoine n'appartient plus à ceux qui le conservent, mais à ceux qui le font muter.